LA CRISE IRAKO-EGYTPTIENNIE
et l’antagonisme des deux pays sous les califes arabes

La crise aiguë, que l’accord turco-irakien a déclenchée au sein de la Ligue Arabe, ne pourrait être utilement comprise, ni, par suite, être sainement jugée, qu’a la lumière de l’évolution historique des pays de l’Urient arabe. Le caractère complexe de cette crise provient du fait que les points de vue opposés de l’Irak et de l’Egypte sont présentés, de part et d’autre, sur le terrain sentimental et cultural, alors qu’en réalité, ce sont les facteurs géographiques, dont la nature est différente, qui commandent l’attitude différente des responsables des deux pays.

En l’occurrence, il n’est pas superflu de rappeler ici quelques vérités élémentaires qui, à cause du caractère périodique des grands événements qui marquent l’évolution des peuples, sont qualifiées de “constantes historiques”, ou lois permanentes. Les plus importantes de ces lois peuvent se résumer dans les principes suivants : “L’histoire est la politique du passé, comme la politique du présent est l’histoire de l’avenir.” D’autre part, la politique du présent, comme celle du passé qu’elle continue, est, dans ses grandes lignes, fonction de la situation et de la configuration géographiques.”

Sans remonter très loin dans le vieux passé de notre Orient, et en nous en tenant simplement à la période arabe des califes, qui va de l’avènement des Oumayyades à Dames (661), a celui des Turcs Seljoukides a Bagdad (1055), nous verrons que les successeurs du Prophète ont eu maintes fois à s’occuper des graves questions qui tracassent aujourd’hui l’Orient arabe, c’est-à-dire la rivalité de l’Egypte et de l’Irak et le tiraillement de la politique orientale entre l’Occident méditerranéen et l’Est asiatique. Nous constaterons alors que, malgré l’unité politique, territoriale et religieuse de l’empire des califes, l’autorité de ces derniers n’était guère, en ce qui concerne ces problèmes, plus heureuse que celle de la Ligue Arabe actuelle. Les aspirations antagonistes des pays du Nil et du Tigre-Euphrate, qui constituaient les deux piliers de l’empire arabe, étaient plus puissantes que les divers facteurs qui contribuaient à leur union. Cet antagonisme chronique, qui désorganisa souvent l’empire califien, finit enfin par briser son unité politique et même religieuse.

C‘est qu’en dépit de la parenté ethnique ou linguistique qui les unit dans une vague atmosphère de solidarité sentimentale, l’Irak et l’Egypte sont, chacun pour sa part, différemment orientés par la géographie. L’un est tourné vers le continent asiatique, et l’autre vers la Méditerranée. Cette Orientation différente des deux pays, qui détermina, dans les temps antiques, la politique extérieure des Pharaons et des Ptolémées, d’une un part, et celle des patesi de Babylone et des rois Séleucides, d’autre part, commande également la politique des califes arabes, tant les Oumayyades de Damas que les Abbassides de Bagdâd, sans oublier les califes Fâtimides du Caire. Nous exposerons, ci-dessous quelques épisodes de la rivalité de l’Irak et de l’Egypte, au temps de l’empire des califes, dont ils formaient les deux principales provinces. Ces épisodes nous montreront que les dirigeants actuels de ces deux papa out respectivement et instinctivement suivi la voie traditionnelle tracée par leurs prédécesseurs anciens.


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