Jawad Boulos

Les pays du Levant arabe, depuis l’Islam survol historique comparé

Deuxième tournant historique
A l’empire arabe des califes Umayyades, capitale Damas, en Syrie, succède l’empire islamique des califes Abbâssides, capitale Bagdâd, en Irak.

Et, tandis que l’empire umayyade est essentiellement arabe, gouverné, administré et défendu par des souverains, des seigneurs et des tribus arabes d’Arabie et orienté vers le monde méditerranéen, l’empire abbâsside, dont les califes sont seulement d’origine arabe, est essentiellement islamique, administré et défendu par des musulmans non arabes, iraniens puis turcs, et orienté vers l’Iran et le Monde asiatique.

Ces caractères distinctifs des deux empires ou califats des Umayyades de Damas et des Abbâssides de Bagdâd, mentionnés par les historiens et les orientalistes, sont confirmés par le grand écrivain et penseur arabe musulman, contemporain des premiers Abbâssides, Al-Djâhiz (776-868), qui écrit : « L’empire des Bani Marwân (Umayyades) est arabe bédouin, et l’empire des Bani Al-Abbâs est persan Khorassânien ».

Avant d’être choisie comme capitale de l’empire abbâsside, en 762, sous le calife Al-Mansour (754-775), Bagdâd était un petit village chrétien. Son nom de Bagdâd est iranien et signifie « Dieudonné ». Quant à son nouveau nom, « Ville ou Maison de la Paix », donné par les nouveaux maîtres, il ne parvient pas à effacer celui de Bagdâd, qui est demeuré jusqu’à nos jours.

A l’opposé de l’empire arabe umayyade, où « le temporel a dominé le spirituel » dans l’empire abbâsside, au contraire, l’autorité de l’État était essentiellement islamique, appuyée sur l’autorité religieuse de calife. C’est l’application de l’idée iranienne de la fusion de la religion et de l’État.

Rappelons que ce sont des Iraniens, les Khorassâniens, qui ont conduit la révolte contre les Umayyades arabes et détruit leur dynastie et la suprématie arabe dans l’empire des calides.

A la différence de l’empire arabe des Umayyades, où la solidarité, qui liait les sujets entre eux, était la parenté raciale arabe des Arabes D’arabies, sous l’empire islamique des Abbâssides, la solidarité qui liait les sujets les uns aux autres était essentiellement religieuse, c’est-a-dire islamique, et islamique sunnite. C’est pourquoi, sous les Abbâssides, et sous tous les États qui ont succédé aux Abbâssides, la classe dirigeante et militaire a toujours été représentée, jusqu’à la chite de l’empire turc ottoman en 1918, par des musulmans non arabes : Turcs, Kurdes, Circassiens, Berbères, etc.

La révolte des Iraniens contre les Arabes, en 750, et leur domination dans l’Irâk, c’est la constatation d’une loi ou constante historique, commandée par la géographie, et qui a constamment poussé les montagnards de l’Iran, depuis Cyrus, en 540 av. J.-C., à descendre vers les riches plaines du Tigre et de l’Euphrate et à les dominer. En l’an 130 av. J.-C., les Parthes (futurs Khorassâniens) ont conquis l’Irak, sur les Gréco-Macédoniens, et l’ont dominé jusqu’à l’expansion des arabes de l’Islam en Irâk, en 642 ap. J.-C. Cette constante historique aura souvent à se manifester, au cours des siècles à venir, et jusque de nos jours.

Sous les Abbâssides, le Liban, comme la Syrie et la Palestine, étaient traités comme des pays conquis. C’est à partir de 850, lorsque l’autorité politique des califes commence à baisser, que le fanatisme religieux islamique sunnite commence à se manifester contre les musulmans non sunnites et contre les chrétiens. Et c’est à partir de cette époque également, que les chefs de la garde turque du calife deviennent les vrais maîtres de l’État, élevant au trône ou détrônant les califes, suivant leurs caprices.

Troisième tournant historique
Dès sa fondation, l’empire des califes abbâssides commence à s’effriter. Sa véritable dislocation commence, en 872, par l’interdépendance de l’Égypte, sous le gouverneur turc Ibn Tulun, qui a également ajouté à l’Égypte, la Palestine, le Liban, et la Syrie, enlevés à Bagdâd. A partir de cette époque, l’empire des califes abbâssides sera, en général, limité à l’Irak et dominé, à partir de 945, successivement, par les Iraniens Buwayhides (945-1055), les Turcs Seljukides (1055-1258), puis, à partir de 1258, par les Mongols gengiskhanides, qui détruiront Bagdâd et mettront fin au Califat abbâsside de Bagdâd.

En se rendant indépendante de l’Irak et en annexant la Palestine, le Liban et la Syrie, l’Égypte obéît à une loi ou constante historique, qui oppose, depuis l’aube de l’histoire, et qui opposera dans les siècles qui vont suivre, l’Égypte et la Mésopotamie, pour la possession du couloir syro-palestinien qui les relie.

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